La ferme du Bersac : le dossier de presse

Nous relayons le dossier de presse de la ferme du Bersac, un rassemblement est prévu aujourd’hui place Saint Amoux à Gap pour le procès des occupants. Une pétition a été mise en ligne : Signer la pétition ici.

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Nous relayons le dossier de presse de la ferme du Bersac, un rassemblement est prévu aujourd’hui place Saint Amoux à Gap pour le procès des occupants. Une pétition a été mise en ligne : Signer la pétition ici.

I. La ferme de vie « Les Vignes »
Historique du lieu
Dans les années 80, dans les Hautes Alpes, une équipe pédagogique désire monter un projet s’apparentant aux lieux de vie. En effet, forte de son expérience, elle défend alors le projet d’une petite structure, plus adaptée aux besoins d’autonomie de certaines personnes accueillies au foyer du Val Des Roches. Le projet est rendu possible par le frère d’un des résidents qui finance la ferme du Bersac avec la part d’héritage qui lui revient. Ainsi, son frère et d’autres personnes handicapées pourraient finir leur vie dans ce cadre privilégié. Un viager est alors contracté avec l’ADSEA 05 (Association de Départementale pour la Sauvegarde des Enfants et des Adultes).
La spécificité de la ferme de vie « Les Vignes »

Ce type de structure d’accueil, unique dans le département et l’une des dernières en France, permet d’amener les personnes handicapées vers une autonomie plus importante et un mieux-être évident grâce à son environnement privilégié : animaux, potager, verger, terrasse et jardin, activités extérieures et de village. Le fonctionnement de la ferme repose sur la participation des résidents au travail de la terre, aux soins des animaux (poules) et plus largement aux tâches quotidiennes. Ils sont en effet partie prenante dans le choix des repas, les courses et préparation, le ménage, leur linge... Cela permet leur implication et leur responsabilisation dans les choix d’organisation de tous les jours.

II. Le projet de cuisine centrale
Au printemps 2010, l’ADSEA, association gestionnaire de cette ferme de vie, annonce aux professionnels de la structure la très imminente reconversion de ce lieu d’accueil. Il est question de construire une cuisine centrale sur une partie du terrain, ce qui entraînerait, à court terme, un changement radical dans le quotidien des résidents de la ferme. Le bâtiment lui n’est pas menacé de destruction. Le projet date pourtant de plus d’un an et le peu d’information diffusée par l’ADSEA sont contradictoires et uniquement verbales. Il n’y a aucune trace ni écrites ni officielles. Elles sont majoritairement données lors des réunions d’équipe et par la presse locale (Dauphiné Libéré) laissant les professionnels et les résidents dans l’ignorance et dans l’incertitude face à leur devenir.

Pourquoi s’opposer à ce projet ?
Outre la non-transparence de la réorganisation du lieu, tout se fait dans la précipitation et sans consultation des intéressés : résidents, professionnels, familles, malgré les lois 2002-2 et 2005-102, qui imposent la prise en compte totale de l’avis des personnes handicapées pour des questions qui les concernent. De plus, les changements constants de projets déstabilisent les résidents et les travailleurs jusqu’à une dégradation importante de l’état de santé de certains. Bien que le Dauphiné Libéré ait annoncé la création de nouveaux emplois, c’est en réalité le service « cuisine » de l’ESAT de Rosans qui sera déplacé sur le Bersac, avec le personnel handicapé et d’encadrement qui y est attaché.

En outre cela signifie la fermeture des cuisines de l’IME Bois saint Jean à Gap, du Val des Roches à Barret et de l’ESAT « les Buissons » à Rosans. Ces fermetures ont soulevé les inquiétudes des maires et des populations locales. C’est une attaque contre le tissu économique local, car ce projet est destiné à démarcher les cantines scolaires et services de repas à domicile qui sont aujourd’hui assurés par différents acteurs de proximité. La finalité de ce projet est donc uniquement économique et bien éloignée des missions médico-sociales dévolues à l’ADSEA. Les deux repas quotidiens standardisés et mis sous plastique seront cuisinés le matin et conservés toute la journée. La qualité sera évidemment moindre que celle des repas actuellement préparés sur place par des cuisiniers professionnels, sans compter les répercussions que cela aura sur l’ambiance (odeurs, interactions entre les résidents des établissements et les cuisiniers, …) Qu’adviendra-t-il d’ailleurs de ces cuisiniers ?

De plus, les établissement desservis étant tous éloignés de cette future cuisine centrale, les dépenses en combustibles et leurs répercussions sur l’écosystème ne sont pas anodines, les déplacements représenteront 183 km par jour. A noter également qu’au vue de la situation géographique de certains établissements, la distribution des repas est susceptible d’être parfois mise à mal (route des gorges bloquées, neige...). Au delà de ces arguments écologiques, l’apparition de ces nouveaux fluxs, signifie une segmentation du tissus social. Au nom de cette logique gestionnaire et managériale, les personnes cuisinant ne connaitront plus les personnes mangeant les repas, la cuisine ne remplira pas sa fonction essentielle de lieu de socialisation. « Nous sommes une entreprise », déclare P. Beyssen, président de l’ADSEA 05 (Dauphiné Libéré, 20/04/2010). Pour cette entreprise les individus ne sont plus que des variables marchandes. C’est ainsi que le projet ne tient compte, à aucun moment, des désirs des habitants de la ferme, sommés de quitter les lieux.

III. Quel devenir pour les résident.e.s ?
Au fil des mois, différents projets vont voir le jour, dont les principaux concernés (habitants et éducateurs de la ferme) ne seront jamais informés autrement que par la presse, le bouche à oreilles, au mépris de la loi 2002-2. Dans la première version du projet, datant d’avril 2010, les résidents présents restent sur les lieux. Dans la deuxième version les résidents présents sont relogés dans des conditions similaires (milieu rural, jardin, autonomie...) le temps des travaux et reviennent ensuite chez eux, à la ferme. Dans une troisième version, la situation se dégrace car les résidents seront délogés et relogés dans des conditions similaires (sans que des propositions concrètes ne leur ai jamais été faites). Enfin, une dernière version empire encore la situation : aucun retour n’est prévu et le relogement se fera en partie dans des HLM et en partie sur le Foyer Occupationnel « Val de Roches » à Barret-sur-Méouge. C’est donc le projet, essentiel, d’habitat collectif et rural qui est condamné. Pour bien montrer ce refus de l’habitat collectif, le projet prévoit de réaménager la ferme en 6 logements individuels qui hébergeraient les personnes handicapées qui travailleraient dans la nouvelle cuisine centrale. Déloger pour reloger alors que les fonds existent pour réhabiliter le lieu : on est en plein dans l’absurde d’une logique gestionnaire qui ne soucient jamais de la vie.

Les habitants resteront toujours dans l’incertitude, presque à chaque réunion, une nouvelle version est donnée. Finalement, les résidents apprennent au mois de mai 2010 qu’ils seront expulsés fin Juillet 2010. Rien n’est toujours défini sur ce qui va réellement advenir de la ferme, amputée du terrain où doit se construire la future cuisine. Au jour d’aujourd’hui, aucune précision officielle à ce propos ou à propos d’une élaboration de projet pédagogique et thérapeutique crédible et sérieux n’a été apporté.

IV) Constitution du collectif de soutien : « Non à la fermeture du Bersac ! »
Contexte

Un collectif solidaire composé de travailleurs sociaux, de salariés du Bersac, des syndicalistes de la CNT-AIT 05, d’amis, de membres de familles et de personnes concernées par cette injustice a vu le jour au mois de mai 2010. Il se réunit régulièrement pour organiser le soutien et s’informer sur les possibilités existantes pour empêcher le relogement des résidents dans de mauvaises conditions. Son objectif est de défendre une micro-structure de vie collective et rurale, visant l’autonomie des personnes qui y résident. Les lieux de vie apparaissent dans les années 70, suite aux mouvements anti-psychiatrie, anti-institutionnel et désaliéniste.

Depuis 20 ans, une vague d’institutionnalisation a cours au sein de ces structures. Nombres de lieux de vie et micro-structures sont aujourd’hui largement menacés. La ferme de vie « les Vignes » s’inscrit dans cette lutte des micro-structures. Nous dénonçons d’une part la précarisation et la marchandisation des personnes handicapées, phénomènes dû à la logique de marché et recherche de rentabilité qui entrent en contradiction avec le cadre législatif qui prétend donner la parole aux personnes atteintes d’un handicap mental.

Au quotidien ces phénomènes se manifestent par :
- des abus et l’exploitation des personnes dans les ESAT (CAT)
- la non concertation des personnes handicapées
- une médicalisation exagérée
- ainsi que des structures non adaptées (trop grandes, déshumanisées...).
Comble de l’absurdité bureaucratique, l’exagération sanitaire implique notamment qu’il est aux impossible aux personnes effectuant les activités maraîchères (et autres) de manger ce qu’ils produisent. Nous voulons d’une part la pérennité des micro-structures actuelles, et leur développement. Nous souhaitons, d’autre part, que toute personne puissent choisir son mode et lieu de vie y compris en habitat collectif, les personnes atteintes d’un handicap mental comme les autres . C’est sur cette base de réflexion que le collectif de soutien « Non à la fermeture de la ferme de vei du Bersac » s’est constitué et a entrepris différentes actions de résistance.

Actions
Le collectif a commencé la lutte par une démarche citoyenne en diffusant une pétition (version papier et sur internet : http://nonalafermeturedubersac.over-blog.com/ext/). Elle a obtenue à ce jour près de 1500 signatures. Le collectif a également lancé des appels à soutien auprès de diverses institutions du milieu du handicap. A ces appels à soutien ont répondus et signés deux maires (Rosans, Barret-sur-Méouge) ainsi que des association de familles (UNAFAM 05, UNAFAM 38) et des personnalités (Claude Sigalas, auteur, conférencier et fondateur du lieu de vie ’Le corail’). Plusieurs lettres ont été écrites par le personnel de l’ADSEA témoignant de leur « mécontentement » et de leur « refus de cette démarche qui n’améliore ni la santé, ni l’intégrité physique et morale d’aucun des résidents qui sont accueillies dans ce lieu ». Elles ont été remises aux président et directeur de la dite structure.

Des lettres recommandées de protestation ont été envoyées par le collectif, par certains membres de familles (également tuteurs de résidents de la structure) ainsi que par les professionnels du Bersac. Ces lettres à l’attention d’autorités telles que le Préfet, le Conseil Général, la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), le Président de l’ADSEA, n’ont obtenu aucune réponse. Elles ont donc été expédiées au journal local, le Dauphiné Libéré, afin que celui-ci les publie. Le collectif a également demander une rectification de l’article erroné du 12 Juillet 2010 (disant que les habitants de la ferme avaient quitté les lieux, alors qu’ils sont jusqu’à fin juillet).

Un blog informatif (http://nonalafermeturedubersac.over-blog.com) et une adresse mail (nonalafermeturedubersac@hotmail.fr) ainsi qu’une boîte aux lettre, prêtée par le GEL 05, ont été créés pour élargir l’information à niveau régional et national. Les informations diffusées sur le blog sont mises à jour le plus régulièrement possible. Plusieurs publications ont relayé l’information sur tout le territoire. L’un des membres du collectif a été interviewé dans une émission sur deux radios locales (Radio Zinzine à Forcalquier, Méga Libre à Valence). Cet interview tourne sur internet et a été diffusé lors d’une conférence du collectif ’Les NRV’ à Paris (collectif d’éducateurs et travailleurs sociaux en lutte). Des affiches et des banderoles ont été préparées pour informer la population des Hautes-alpes de ce qui est en train de se passer.
Des mobilisations ont été organisées le 23 Juillet à 10h devant la préfecture, le Conseil Général et le Dauphiné Libéré pour protester contre l’expulsion des résidents du Bersac et pour apporter les signatures de la pétition.

Les personnes présentes ont investi ces divers lieux et une délégation composée d’un salarié du Bersac, du secrétaire de l’UL 05 CNT-AIT et d’un troisième membre du collectif, a été reçue par un Secrétaire du Préfet tandis que d’autres informaient les passants des raisons de la manifestation. Le Secrétaire du Préfet a annoncé qu’un dossier était en cours d’instruction et que la mobilisation lui donnerait un caractère d’urgence. La délégation affirme la détermination du collectif de soutien à mettre en place toutes les formes de résistance nécessaires si leurs revendications n’étaient pas prises en compte par le Préfet. Ils ont quitté la préfecture au bout d’une heure. Le groupe s’est ensuite rendu au Conseil Général, situé à proximité. Aucun élu n’étant présent au Conseil Général, ce matin là, les pétitions ont été reçues à l’accueil par un de leurs représentants.

La mobilisation s’est ensuite déplacée pour investir les locaux du Dauphiné Libéré. Celui-ci s’entête en effet, malgré plusieurs lettres du collectif, à ne pas relayer ses revendications sur l’importance du maintien d’un projet de vie collective, en microstructure au Bersac. C’est en effet l’unique projet de ce type sur l’ensemble du département des Hautes Alpes.

Une délégation a été reçue par le directeur du journal qui s’est engagé à publier un article à ce propos. Cette mobilisatio a porté ses fruits puisque dans un article du lundi 26 juillet le journal donne la parole au collectif. M. Boutin, directeur de l’ADSEA 05 est également interrogé et obligé de se justifier.
La CNT-AIT 05, de son coté a rédigé un communiqué et a appelé les syndicats de la CNT-AIT d’autres villes à se solidarisé par l’envoie de lettres et de mails de protestation à la Préfecture des Hautes-Alpes, au Conseil Général et au Président de l’ADSEA 05. Cela peut également être fait par toute personne désirant apporter un soutien individuel.

V) Début des travaux
Le 9 Juillet 2010 sont apparus sur le terrain camion-benne et tracto-pelle alors qu’une « fête » est organisée à la ferme de Vie par la direction, pour célébrer la fermeture et « pour que les résidents fassent leur deuil » de leur lieu de vie. Les machines n’ont pourtant pas fonctionné, il n’y avait aucun affichage de déclaration de travaux, que venaient donc t-elles faire là, ce jour-ci ? Le 12 Juillet, une équipe du Centre de formation au bâtiment et aux travaux publiques (CFBTP), affilié à l’ADSEA, vient repérer les lieux. Ils commencent les travaux le 14 juillet, jour férié, alors que le permis de construire n’est toujours pas déposé et que les résidents, non prévenus, sont sur la structure. L’un des éducateurs empêche les travaux de se poursuivre, soulignant qu’aucun affichage public à propos de la nature et des conditions de travaux n’a été affiché. Un permis de construire est finalement publié plusieurs jours plus tard, étonnamment daté du 15 Juillet.

VI) Occupation
Constatant le manque de volonté des différents décideurs à écouter les inquiétudes exprimées par l’ensemble des acteurs, habitants, éducateurs, familles, le collectif de soutien a décidé d’occuper la ferme « les Vignes » du Bersac. Le collectif souhaite donner la possibilité aux habitant(e)s qui le souhaitent de récupérer leur lieu de vie après leurs vacances. Plusieurs parmi eux ont d’ors et déjà affirmé leur refus de quitter un lieu où ils ont tous leurs repères émotionnels et affectifs. Au delà de cela le collectif se bat pour la pérennité du lieu et du projet qui l’anime. Ce type de lieu doit se maintenir. Connaissant l’objectif de l’ADSEA et les lois 2002-2 et 2005, nous pensons inconsidéré et maltraitant de mettre fin à ce lieu, à le sacrifier au nom de la rationalisation économique. En effet, depuis que ce lieu existe, les personnes qui y sont accueillies s’y épanouissent et montrent des progrès évidents. Comment peut-on déclarer alors que cette ferme est en « sommeil » ??? (cf l’entretien de Philippe Boutin directeur de l’ADSEA réalisé par le Dauphiné Libéré le 20 avril 2010).

Nous ne quitterons pas le lieu avant d’avoir eu l’assurance que toutes les personnes actrices du lieu, habitants et éducateurs, aient la possibilité de continuité dans ce projet commun. Nous voulons être sûr que ce type de projet soit préservé. Nous occuperons la ferme de manière collective et y créerons un espace de réflexions et d’échanges sur les questions d’autonomie et de « handicap ». Nous appelons toutes les personnes à manifester leur soutien à cette occupation, sous toutes les formes possibles et imaginables. Venez nombreu(ses) nous voir pour discuter et partager ! Nous diffuserons des communiqués de presse quotidiennement.


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